Consolation
Hauts-de-France, Belgique,
Pays-Bas.
2017-2022
La série « Consolation » part d’un souvenir retrouvé: l’évocation d’une chapelle Québécoise qui a joué un rôle essentiel dans ma vie d’enfant, apparue comme un lot de consolation à un moment où j’en avais besoin…
Pendant cinq ans, j’ai sondé le pouvoir évocateur de cette architecture vernaculaire qui foisonne depuis des siècles au cœur des paysages ruraux et urbains situés le long de l’Escaut, ce fleuve sacré qui scelle les destins religieux, politiques et économiques entre les communautés de cinq régions de France, de Belgique et des Pays-Bas, bassin de peuplement de 11 millions d’habitants.
Sur des milliers de kilomètres, j’ai tissé des liens entre ces petits monuments, la grande histoire qui me permet d’appréhender les évolutions du monde, les faits d’actualité qui me bouleversent et quelques faits marquants de ma petite existence. Cette quête fut tout un art et force a été d’admettre que tout me ramenait en sa direction: cette éducation chrétienne, ces petites voix, cette drôle de foi.
Cette route m’a aussi fait découvrir ce que les croyances populaires peuvent nous apporter au quotidien, me donnant bien envie d’y croire, car pendant la réalisation de ce corpus, notre planète n’a pas cessé de mal tourner ! De chapelles en chapelles, comme si je suivais l’étoile des bergers, l’étoile de Jacques Brel, celle des premiers chrétiens, des pèlerins guerriers ou vagabonds, j’ai marché sur la voie du salut, en dehors des sentiers battus, j’ai exploré des mystères et le chemin du pardon.
En associant la photographie à l’écriture (lettres, chroniques, poésie), j’ai compris que c’est la fragilité du patrimoine, la résilience d’un monde, autant que la mienne que j’ai tenté de révéler à travers ce travail, car au bout du chemin, lorsque j’observe mes triptyques conçus comme des constellations, je réalise que rien ne fut plus enrichissant et salvateur que mon exil où en terres étrangères, j’ai trouvé des repères, mon esprit et peut-être même une place au paradis !
Une constellations de 77 images de divers formats carrés. Impressions Jet d'encre pigmentaire sur papier Fine Art Hahnemühle Bright White, 310 gr. Contrecollage sur Dibond ou encadrements Nielsen Oak.
Trois paysages très grands formats
imprimés sur dos bleus.
La série, accompagnée de textes disposés dans des enveloppes.
Texte Critique.
" Consolation, une complexe fiction documentaire sensible de Mélissa Decaire", par Christian Gattinoni, le 15 juillet 2022.
Toute une génération a subi l’influence de l’école de Dusseldorf, mais la rigueur de ses protocoles est apparue trop stricte pour aborder la diversité du réel. Mélissa Decaire, canadienne vivant en France, a engagé sa série sur les chapelles essaimées au long de l’Escaut et réparties sur les Hauts de France, la Belgique et les Pays Bas.
Elle dresse dans un premier temps une typologie de ces architectures vernaculaires photographiées en couleurs. Sur l’ensemble de la série la gestion subtile de sa palette colorée répond à un souci de maintien d’un caractère atténué juste sensible au variations saisonnières.
Centrées dans un format carré elles sont cependant prises dans un plan général qui les contextualise. Présentées en page de gauche comme pour mieux assumer leur caractère documentaire, elles sont complétées en bonne page par un ensemble d’images complémentaires organisées en constellation qu’elle revendique comme « satellites ». Elles apportent une dimension de hors champs critique qui relève de divers domaines d’informations sociologiques, idéologiques.
Le fonctionnement de cette double page évoque les diptyques paradoxaux d’Allan Sekula dans Fish Story. Pour rendre ce double statut d’image plus efficient un texte poursuit la tâche fictionnelle de cette série documentaire. Le complexe récit photo-texte met en question ce patrimoine culturel et religieux fragilisé par sa confrontation aux mutations sociales, économiques et environnementales. La fiction se prolonge dans sa dimension de mythologie personnelle qui confronte ces lieux au besoin commun de Consolation, titre de la série.
Christian Gattinoni
Membre de l’AICA, rédacteur en chef de la revue en ligne www.lacritique.org
Un très bel article sur les 32 ans des Itinéraires des photographes voyageurs par Christian GATTINONI, La Critique, dimanche 30 avril 2023.